Cinéma | Litanies

Les meilleurs films de 2012

1. Kill List (2011)
film britannique de Ben Wheatley

Kill List - Ben WheatleyAnxiogène au possible, Kill List est un film qui prend du plaisir à lentement resserrer son étreinte autour de ses personnages comme du spectateur. Suivant la plongée de son héros, un vétéran du Golfe, dans le cauchemar alors que ce dernier se voit contraint de reprendre son travail de tueur à gages, Ben Wheatley préfère aux habituels sursauts et autres poussées d’adrénaline un malaise qui semble émaner de toutes parts – de l’étrangeté qui s’immisce dans le quotidien à une violence d’une brutalité rare – pour créer une ambiance d’une puissance étouffante. Avec la sortie de la macabre comédie qu’est Touristes en toute fin d’année, Kill List signale l’émergence d’un jeune et passionnant réalisateur britannique à suivre de près pour les amateurs de sensations fortes.

2. Faust (2011)
film russe d’Alexandre Sokourov

Faust - Alexandre SokourovSans doute le film le plus étonnant de l’année d’un point de vue visuel, ce Faust vient clore une tétralogie consacrée aux grandes figures du pouvoir totalitaire. En quoi Faust ressemble-t-il à Hitler, Hiro-Hito ou Lénine ? Chez Sokourov, ce personnage dont l’histoire fut à maintes occasions remaniée (Marlowe, Goethe, Mann) semble être à l’origine du mal du siècle, s’engageant sur un parcours qui ne peut que mener l’Homme vers la désolation. La logorrhée de l’usurier, qui fait office de Méphistophélès, fait du texte un fond sonore illisible et nous oriente vers la perception de plus en plus biaisée de l’ambitieux docteur mise en scène avec brio par un réalisateur au sommet de son art.

3. Take Shelter (2011)
film américain de Jeff Nichols

Take Shelter - Jeff NicholsAprès l’intimiste Shotgun Stories, Jeff Nichols nous livre un deuxième film de très grande envergure avec Take Shelter. L’excellent Michael Shannon (voir et revoir Bug de William Friedkin) y campe un homme soumis autant à la pression financière qu’à de violents présages apocalyptiques. Désirant protéger sa jeune famille, il entreprend la construction d’un abri dans son jardin, s’aliénant progressivement une communauté qui le prend pour un illuminé. Si la conclusion m’a très légèrement déçu, Take Shelter demeure néanmoins un grand film apocalyptique où désastre mondial et tumulte intérieur s’embrassent inexorablement dans un mortel enlacement.

4. Holy Motors (2012)
film français de Leos Carax

Holy Motors - Leos CaraxDes daguerréotypes, cette tentative de décomposer un mouvement insaisissable à l’œil humain, à la séquence de motion capture, qui en est presque le procédé inverse, Leos Carax dessine de toute évidence une boucle dans Holy Motors. Pourtant, l’analogie de la mort du cinéma qu’on a pu lire un peu partout au sujet du film me paraît un peu simpliste. Carax nous parle d’un regard qui s’éteint, celui des spectateurs, et sans lequel ni le cinéma ni les rôles endossés tour à tour par monsieur Oscar ne pourront survivre. Un film étrange et triste.

5. Killer Joe (2011)
film américain de William Friedkin

Killer Joe - William FriedkinSans atteindre les sommets vertigineux de Bug, son dernier film en date et à mon sens l’un de ses meilleurs, William Friedkin nous livre avec Killer Joe un portrait au vitriol des dérives socio-économiques de son pays. On retrouve dans les dialogues la qualité d’écriture de Tracey Letts et, dans la performance de Matthew McConaughey, l’un des personnages les plus inquiétants de ces dix dernières années.

6. La Taupe (2011)
film britannique de Tomas Alfredson

La Taupe - Tomas AlfredsonIl ne faut pas s’attendre avec cette adaptation du roman de John le Carré à un film d’espionnage se conformant aux modèles récents du genre que sont les Jason Bourne ou les derniers James Bond. Chez Alfredson, auteur du génial Morse, l’action effrénée cède la place à de longs dialogues entre vieillards, fumant clope sur clope et enquillant tasses de thé et verres de scotch, dans l’étouffante atmosphère de living-rooms à la déco typiquement anglaise. Le thriller fonctionne à merveille sur cette rythmique lente et la tension reste du long à son comble, chacun de ces agents vieillissants sentant approcher sa fin.

7. Twixt (2011)
film américain de Francis Ford Coppola

Twixt - Francis Ford CoppolaSans bouleverser autant que Tetro, dont il ne partage pas l’ambition, Twixt est l’occasion pour Francis Ford Coppola d’approfondir sa réflexion sur le deuil. Avec ce nouvel opus très personnel, Coppola signe aussi un film de genre prenant, grâce notamment à la narration de Tom Waits, et drôle où il s’amuse des modes (les vampires, la 3D) tout en sculptant des images inoubliables.

8. Tabou (2012)
film portugais de Miguel Gomes

Tabou - Miguel GomesRemarquable tant au niveau de la construction que de la mise en scène, le film de Miguel Gomes est une bouleversante histoire d’amour à la narration tendre, drôle et imaginative. Hommage au cinéma, Murnau évidemment mais les références y sont nombreuses, Tabou est un film plein de nostalgie mais également de vitalité.

9. The Raid (2011)
film indonésien de Gareth Evans

The Raid - Gareth EvansLa majorité des films de divertissement que j’ai fait l’effort de voir cette année oscillaient entre le franchement mauvais (Prometheus, The Dark Knight Rises, Le Hobbit : un voyage inattendu) et le tout juste passable (The Expendables 2). The Raid, sans rénover le genre, offre au spectateur tout ce qu’il est en droit d’en attendre et la qualité est au rendez-vous. Quand on pense au budget de ce film indonésien on ne peut qu’enrager face à l’ennui devenu synonyme des superproductions hollywoodiennes. A noter une exception à la règle ; le très divertissant Looper de Rian Johnson.

10. Martha Marcy May Marlene (2011)
film américain de Sean Durkin

Martha Marcy May Marlene - Sean DurkinSean Durkin parvient, dès ce premier long-métrage, à saisir toute l’intranquilité de la femme brisée dont il dresse le portrait. Elizabeth Olsen, révélation de l’année, y est pour beaucoup, crevant l’écran de sa présence torturée. Loin d’être parfait, Martha Marcy May Marlene est un film plein de promesses.

10 personnes ont commenté l'article

  1. On a failli en avoir deux en commun: « Take Shelter », je ne l’ai pas mis parce que je le pensais être de 2011 et « Twixt », pour lequel j’ai hésité longtemps. Autrement, je n’ai pas eu l’occasion de voir de nombreux films de cette liste sauf « La Taupe » (qui m’a plu sans plus), « Martha Marcy May Marlene » qui m’a vraiment plu mais qui ne m’est pas resté (je n’ai été hantée par ce film que pendant celui-ci, il est parti de mon esprit tout de suite après), mais qui révèle effectivement une actrice incroyable que j’ai eu l’occasion de revoir dans « Silent House (intéressant, à la « hauteur » de l’original car très différent) et dans « Red Light » (complètement inutile et convenu) et elle y confirme (plus timidement) son talent, et « Kill List » qui, lui, ne m’a pas du tout convaincue. Je te mets le début de ce que j’ai mis à son sujet sur le forum (il y en a plus après, mais bon, comme c’est en réponse à d’autres, ça n’aurait pas de sens ici, mais tu peux voir le reste là, j’y développe plus mon avis: http://forums.belial.fr/viewtopic.php?f=13&t=2451&hilit=Kill+List)

    « Pas accroché, mais alors du tout.

    Pour moi, l’esthétique à la Ken Loach a duré tout le temps. Faire un film sur la violence avec un visuel habituellement réservé au réalisme social typique british, pourquoi pas, mais comme je ne suis absolument pas (du tout) cliente du genre, le côté esthétique de ce film m’a rebutée (tout comme son côté violent: rien à faire, je trouve l’exploitation du hors champ bien plus intéressante que cette esthétique de la violence frontale à l’excès qui vire à la mode ces derniers temps). Reste l’histoire, qui passe du questionnement de la santé mentale des protagonistes au « what’s the fuck » qui peut être interprété comme un cauchemar ou comme un glissement vers le fantastique, mais qui m’a surtout laissé un mauvais goût de « j’expérimente les sensations sans avoir réellement grand chose à dire » qui m’a, au final, beaucoup plus dérangée que l’esthétique.

    Bref, pas du tout ma tasse de thé. Mais bon, en même temps, vu le rapprochement à Lynch qui a été fait, et le fait que Lynch ne l’est pas non plus dans la moitié de sa filmographie pour moi, ce n’est pas une surprise au final…

    Pardon, je suis piquante, mais ce film m’a pas mal énervée. Mais bon, il fait partie de ces œuvres qui en disent tellement peu qu’elles laissent le champ ouvert à toute interprétation et donc à toute envie de voir ce qu’on a envie d’y voir. Ce qui, en fait, n’est pas plus mal en soi. Du coup, ça doit être la frustration de ne pas être rentrée dedans et de m’être em*** pendant 90 minutes qui parle ^_^ (sérieusement). »

    1. Peut-être plutôt Mike Leigh que Ken Loach, surtout que le dernier Loach est franchement irregardable. Oui ça commence comme un kitchen-sink drama, mais ça ne sert qu’à instaurer un sentiment de malaise qui ne lâchera plus le film par la suite. Enfin, je comprends que ça ne plaise pas à tout le monde, mais je te conseille quand même de jeter un coup d’oeil à Touristes qui est très différent. L’exploitation du hors champ peut évidemment être intéressant mais ne correspondrait pas au propos du film ; cette violence excessive émane du climat dans lequel le personnage évolue (que j’ai trouvé d’ailleurs beaucoup plus dur que les éléments horrifiques du film).

  2. Ben justement, moi je l’ai aimé, ce dernier Ken Loach, parce qu’il ne ressemble pas du tout à du Loach justement ^_^. Pas un grand film, mais une petite comédie britannique sympatoche j’ai trouvé. Mais j’aurais quand même dit plus Loach, parce que je ne ressens pas autant cette ambiance chez Leigh (surtout pour « Happy-Go-Lucky » en fait, le premier à me venir en tête)(on parie que tu ne l’as pas aimé? ;-p).

    « Kitchen-sin drama », voilà un terme que je ne connaissais pas et qui pourra me resservir pour parler de ce type de film.

    Pas eu l’occasion de tomber sur « Touristes », je tenterai si je le trouve…

    Je viens de voir que « Tabou » sortait seulement cette semaine en Belgique (http://www.lesoir.be/150882/article/culture/cinema/2013-01-08/%C2%AB-tabou-%C2%BB-intense-et-secr%C3%A8te-histoire-d-amour). Mais pas dans mon cinéma, peu de chances que je puisse le voir (il m’a l’air pas mal celui-là).

    PS: Il n’y a pas d’alerte de réponse pour les commentaires? Je pensais que WP le faisait d’office mais je n’ai rien reçu :-(.

    1. J’avais bien aimé Happy-Go-Lucky, bien que je ne m’en souvienne plus trop. Le problème avec le dernier Loach n’est pas qu’il soit une comédie, juste que je le trouve assez mal écrit et très caricatural. Pour moi, l’histoire ne tient pas du tout debout et on fait à fond dans le cliché (ha, ce gros con de riche américain qui ne sait pas faire la différence entre le bon et le mauvais whisky…) Je trouve aussi que depuis Le Vent se lève il est devenu assez conservateur, depuis tous ses prix il a un peu intégré l’establishment alors qu’avant c’était tout le contraire, ses films de l’époque de Riff-Raff ou Kes étaient propulsée par une énergie qui s’est un peu perdue avec le succès et al reconnaissance. Il suffit de comparer Le Vent se lève avec Land and Freedom pour s’en rendre compte.

      Pour ce qui est des commentaires, j’ai développé le thème WP que j’utilise en partant de zéro, donc j’ai pas toutes les fonctionnalités de base. J’ai pas encore travaillé sur le template des commentaires, mais il faut que je le fasse, ne serait-ce que pour donner des options de mise en page basique à ceux qui veulent laisser un commentaire.

  3. Pas vu ces films-là (pas ma tasse de thé je dois dire). Pour « La part des anges », ben oui, c’est hyper-caricatural, c’est le jeu, non? Sérieusement, ce type d’histoire est obligée de passer par les caricatures pour que le côté comédie fonctionne je trouve. C’est le côté léger et naïf qui veut ça ^_^.

    Le mien aussi vient de zéro mais il a été fait par un ami, qui s’est occupé des commentaires (et des smileys de la mort qui tue qui vont avec), je ne sais pas ce qu’il a fait pour avoir l’option.

    1. Une comédie peut se servir de caricatures et de stéréotypes (pour les subvertir par exemple, comme chez Wilder) mais le problème avec La Part des anges c’est qu’il n’a aucun recul par rapport aux clichés qu’il emploie. J’ai pas très envie de rentrer dedans mais il y a des éléments du film qui ne tenaient pas du tout debout e j’en étais ressorti avec l’impression d’avoir regardé un téléfilm de France 3.

    1. A une époque la BBC produisait des contenus de qualité (il suffit de regarder tous les noms de ceux qui sont sortis de cette « école » : Ken Russell, Peter Watkins, Alan Clarke…). Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que ce soit encore le cas mais à mon avis FR3 ça reste quand même bien en-dessous.

  4. Si, je trouve quand même. Ne serait-ce que l’un des seuls bons films de fantômes que j’aie vus dernièrement, « The Awakening ». Classiquement efficace, belle ambiance. Pas un chef d’oeuvre, mais déjà un meilleur film de genre que la majorité de la production actuelle.

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