Cinéma | Nouvelles du front

God Bless America
un film de Bobcat Goldthwait (2011)

God Bless America - Bobcat GoldthwaitEn se glissant dans la peau de John F. Kennedy le jour tragique de son assassinat à Dallas, la jeune Roxy endossant à ses côtés le costume de première dame, Frank subvertit avec éloquence une image clef de l’histoire américaine. Comme pour signifier que, si le rêve se dissipait au cours des années 1960, le cauchemar ne faisait alors que débuter, le mythique couple présidentiel cède un instant sa place dans une scène que cinquante années de cinéma n’auront cessé de ressasser à l’atypique couple de désaxés. Au premier coup de feu, Frank se réveillera pour reprendre sa route sanglante et sa mission : tuer tous les affreux. Bien que God Bless America reprenne le schéma du couple en cavale, empilant les citations de Bonnie and Clyde à Tueurs nés, il se différencie de ses prédécesseurs en faisant de Frank et Roxy tout sauf de banals hors-la-loi. S’étant promis de tuer tous ceux dont la méchanceté et la bêtise exacerbées rendent la vie insupportable ils s’approchent davantage de la figure du fanatique, questionnant d’emblée la frontière entre crime et activisme. Au lieu de les condamner, Bobcat Goldthwait érige éhontément son duo en porte-drapeau du civisme le plus élémentaire et leur jeu de massacre en croisade moderne. Dès les premières scènes où Frank, terrassé par les migraines récurrentes, s’imagine faire exploser le bébé de ses voisins sans-gêne d’une décharge de chevrotine, le ton d’une irrévérence sincère est donné. Le film continuera de matérialiser de tout son long, et malgré une certaine naïveté qui constitue son grand défaut, nos plus plus violentes et inavouables pulsions. Etant bien plus qu’un simple exutoire jouissif, il évite cependant la gratuité car la violence physique n’y fait que répondre à sa perfide jumelle morale. S’aventurant sur un terrain rarement balisé par le cinéma, God Bless America parvient, lorsque Franky s’en va-t-en guerre, à faire naître chez le spectateur une parfaite compréhension pour les mesures extrêmes auxquelles lui et Roxy auront recours et défend, avec rage et humour acerbes, ceux qui contemplent la déchéance d’une société dont l’égocentrisme dominant n’a plus d’égal que le pitoyable attrait pour le superficiel.

3 personnes ont commenté l'article

  1. Je confirme que l’explosion du bébé d’une décharge de chevrotine accroche le spectateur et donne le ton. Je rajouterai que l’exposition qui suit – nuit infernale devant la télé avec des passages de toutes les sortes de conneries qui y passe suivi de la prise de conscience que tout le monde les a regardé et en parle – ajoute une dimension déprimante (mais toujours rigolote) au film. En effet, après l’avoir vu, j’ai passé plusieurs jours à écouter mes collègues, amis, etc, et ai moi-même pris conscience de l’attrait pour le superficiel qui nous entoure. C’est fou! Je ne vais pas recourir à la violence mais une bonne claque dans la face ça fait du bien et c’est un bon début.

    1. Héhé, content de voir que t’aies trouvé le chemin du nouveau site. Ça doit être encore plus flagrant de ton côté de l’Atlantique (et aussi pour quelqu’un qui bosse plutôt qu’un chômeur). Je me suis surpris à vouloir applaudir ce type qui descend des crétins dans une salle de cinéma, quelques mois à peine après le massacre d’Aurora, mais aussi à comprendre, voire à m’identifier à, sa dépression. C’est peut-être un peu effrayant comme sentiment mais au final je me dis que c’est une réaction saine.

  2. Ah! je viens de voir ta réponse. Oui, j’ai trouvé le nouveau site sans problème. Nice upgrade. Je n’avais pas pensé au massacre d’Aurora mais en effet c’est effrayant comme sentiment. Par contre mieux vaut le reconnaitre que d’attendre le point d’ébullition. Autre chose effrayante – le mec à Aurora il était doctorant en neurosciences…

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