Cinéma | Nouvelles du front

Spring Breakers
un film de Harmony Korine (2012)

Spring Breakers - Harmony KorineNe serait-ce que pour fuir l’ennui du dortoir universitaire où elles résident, quatre amies d’enfance se mettent en tête de partir coûte que coûte à cet étrange phénomène culturel qu’est le Spring break américain ; la Mecque des pisseuses à la recherche de sensations fortes. Finançant leur voyage grâce à un insolent braquage au pistolet à eau, dont la réussite les étonnera elles-mêmes, les jeunes filles embarqueront pour l’aventure parées de leurs bikinis aux couleurs les plus chatoyantes. Rapidement, l’idylle des couchers de soleil de carte postale cèdera la place à l’envers sordide du décor et, après une soirée arrosée à la cocaïne et l’alcool, elles se retrouveront en prison. C’est alors que les quatre étudiantes rencontreront Alien, rappeur, gangster autoproclamé et ahuri qui, en bon ange aussi gardien que déchu, paiera leur caution afin de les entraîner dans son propre rêve gangréné. Celles qui désireront y participer seront logées dans sa villa au bord de l’eau ; demeure luxueuse transformée en temple du mauvais goût. Chaque pan de mur y est décoré d’armes à feu en tous genres, Scarface (best movie) passe en une lobotomisante et interminable boucle alors qu’Alien et ses protégées se préparent à lancer l’ultime assaut contre un gang rival.

Spring Breakers - Harmony KorineBien loin de l’image Girls Gone Wild que peuvent dégager certaines de ses affiches – mais ceux qui connaissent le travail d’Harmony Korine s’en seront doutés – Spring Breakers livre un portrait sans concessions de l’errante jeunesse américaine. Ceux qui espéraient empilements de chair fraîche et juvéniles orgies feraient donc mieux de rester scotchés à leurs écrans de pc, le scénariste du pourtant assez cru Kids (Larry Clark, 1995) faisant preuve ici d’une retenue quasi sadique en ce qui concerne les instants les plus hots de son récit. Fantaisiste jusqu’au bout, baignant dans l’éclairage multicolore des néons floridiens, Spring Breakers sent en effet bien plus l’acétone que le mélange de parfums Calvin Klein cher à ses protagonistes, ressemble davantage à un ulcère purulent qu’à la peau douce et parfaite d’une prom-queen. Avec peut-être moins de brutalité que pour son apocalyptique Gummo (1997), mais tout aussi désabusé, Korine nous fait pénétrer l’illusion, plutôt que l’anatomie, de milliers d’adolescentes américaines nourries aux programmes de la Disney Channel (d’où il a d’ailleurs débauché deux de ses actrices principales). Si tout, jusqu’aux cagoules roses des jeunes filles devenues hommes de main, semble resplendir des fluorescentes couleurs de l’arc en ciel, par la variation de sa mise en scène Harmony Korine en arrache le vernis et les paillettes idéalisés pour révéler les dessous d’une jeunesse aux valeurs fourvoyées ; une génération menée par ses propres modèles dysfonctionnels sur une vicieuse pente autodestructrice où il n’est plus tant question de perte d’innocence que de son anéantissement total.

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