Cinéma | Nouvelles du front

The Lords of Salem
un film de Rob Zombie (2012)

The Lords of Salem - Rob ZombieMalgré l’évidente affinité entre son univers musical et le cinéma d’horreur, c’est à la surprise générale que Rob Zombie s’imposait dès son premier long-métrage (La Maison des 1000 morts, 2003) comme un artisan majeur du genre. Si les spectateurs français durent attendre jusqu’en 2006 pour découvrir ce joyau de cinéma bis décomplexé, l’arrivée en salles quelques semaines plus tard de The Devil’s Rejects confirmait l’excellente première impression tout en proposant une expérience radicalement différente. Après s’être consacré au remake d’Halloween et sa suite, un choix artistique douteux tant la réitération de l’histoire de Michael Myers n’apporte rien à l’œuvre originale de John Carpenter, Rob Zombie revient aujourd’hui à un cinéma plus personnel et passionnant. Menée entre 1692 et 1693, la chasse aux sorcières de Salem et son grand procès restent l’un des épisodes les plus marquants de la colonisation nord-américaine. Devant sa représentation la plus célèbre à une pièce d’Arthur Miller (Les Sorcières de Salem, 1952), où l’auteur en exploitait la dimension politique pour dessiner une allégorie cinglante du maccarthisme, l’incident aura aussi inspiré nombre de récits enracinés dans l’horreur et le fantastique auxquels vient donc s’ajouter The Lords of Salem.

The Lords of Salem - Rob ZombieAnimatrice d’une radio locale, Heidi reçoit au travail l’enregistrement d’un groupe d’inconnus qui se produisent sous le nom des Lords. Arrivé dans un coffret en bois, l’écoute du vinyle ne provoque chez ses collègues mélomanes qu’un dégoût amusé. Chez Heidi, cette musique vrombissante déclenchera de violentes migraines, une lassitude et de perturbantes visions. Historien de Salem et invité de l’émission, Francis Matthias est interpelé par cette archaïque mélodie qui lui semble étrangement familière. Il en dénichera les origines dans le journal du Révérend Jonathan Hawthorne, l’homme qui présida plus de 200 années auparavant à l’exécution de la sorcière Margaret Morgan et de ses sœurs. Alors que se profile un concert gratuit des Lords, les hallucinations dont souffre Heidi s’intensifient et l’appartement abandonné au bout de son pallier se révèle être l’hôte d’inquiétantes créatures. Soucieux que la jeune femme ne sombre dans d’anciens travers, ses amis se heurteront à son silence lorsqu’ils voudront lui venir en aide. Les raisons de son comportement erratique pourraient d’ailleurs largement dépasser les frontières de leur entendement.

The Lords of Salem - Rob ZombieImprobable rencontre entre le cinéma de Lucio Fulci (on pensera notamment à L’Au-delà pour la structure, et beaucoup aux maquillages de Giannetto De Rossi) et celui de Roman Polanski (Rosemary’s Baby, évidemment, avec ces voisins trop bienveillants pour être nets, mais aussi Répulsion dans une certaine mesure pour le traitement subjectif des espaces clos), The Lords of Salem est à ce jour le film le plus ambitieux de Rob Zombie. Le plus foutraque et inégal aussi. Se nourrissant de références à peine voilées, le réalisateur délaisse la linéarité classique de son récit pour s’aventurer vers l’exubérance baroque des Diables (Ken Russell, 1971) et le mysticisme surréaliste de El Topo (Alejandro Jodorowsky, 1971), adoptant une absolue liberté formelle mais péchant par un manque de cohérence. Malgré ce défaut qui nuit à sa fluidité, sans doute autant le résultat de limitations budgétaires que d’une écriture et d’une mise en scène parfois approximatives, The Lords of Salem monte en régime pour épouser la descente aux enfers de son héroïne, conservant suffisamment de temps forts pour nous imposer, à mesure qu’elles défilent, l’horreur de ses images les plus cauchemardesques.

The Lords of Salem - Rob ZombiePrivés pour l’instant d’une sortie française, ceux qui s’impatientent peuvent déjà se procurer The Lords of Salem en DVD anglais (sous-titres anglais uniquement). Tourné pour un budget dérisoire, même en comparaison à La Maison des 1000 morts, le film n’est certes pas une réussite totale mais Rob Zombie a le mérite d’oser l’inconnu, préférant s’essayer à quelque chose qu’il n’avait pas encore faite plutôt que de se répéter. C’est la direction dans laquelle je préfère le voir œuvrer, The Lords of Salem s’avérant capable dans ses meilleurs moments de proposer une expérience visuelle d’une étonnante puissance et permettant de retrouver, outre Sheri Moon Zombie, de nombreux visages emblématiques du cinéma de genre dont Meg Foster (Invasion Los Angeles), Camille Keaton (Mais qu’avez-vous fait à Solange ? et I Spit on Your Grave) ou encore Ken Foree (Zombie).

6 personnes ont commenté l'article

  1. Je suis bien intrigué par ce film, surtout après avoir vu le très inégal « H2 », et même si il a une propension à se foutre à dos ses producteurs j’avoue que ses films m’intéresse beaucoup…

    1. Il ne fait pas l’unanimité, même chez les fans du réalisateur, mais perso il m’a bien plu. Je n’avais pas trop accroché au remake d’Halloween du coup je ne m’étais pas encore penché sur le second. Ce sera chose faite avec la nuit intégrale Rob Zombie du 29 juin. The Devil’s Rejects reste à mes yeux son film le plus abouti mais, avec un budget plus conséquent, je pense qu’il nous offrira encore de belles choses dans les années à venir.

  2. « H2 » fait généralement l’unanimité contre lui, à cause du twist final qui est franchement malhonnête (et déjà) et des visions oniriques ratées. Pour le reste c’est un slasher assez classique, mais avec des scènes à la violence sèche comme j’en avait rarement vu. Tu me diras ce que t’en penses (d’ailleurs je ne reçoit pas les réponses c’est normal?)….

    1. Au final j’ai préféré le Halloween 2 de Zombie à son premier remake (que j’ai trouvé au second visionnage toujours sans véritable intérêt, l’approche psychologique de Meyers le faisant passer à côté de tout ce qui faisait la force du film original de Carpenter et résultant en un slasher assez lambda et ennuyeux). Au moins ce second volet a le mérite de se distancer complètement du personnage et se montre excessivement brutal, ce qui n’est pas pour me déplaire. Au niveau des visions, même si je trouve que le film n’est pas une grande réussite scénaristique, je pense que ce style d’histoire convient mieux au sens visuel de Rob Zombie qui n’est pas un grand metteur en scène (ce qui se ressent quand il s’essaie à un forme plus classique comme dans Halloween). Sinon, revoir The Lords of Salem, La Maison des 1000 morts au cinéma et The Devil’s Rejects au cinéma ça fait bien plaisir! Et le DVD français de The Lords of Salem est prévu pour octobre.

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