Cinéma | Nouvelles du front

L’Ultimatum des trois mercenaires (Twilight’s Last Gleaming)
un film de Robert Aldrich (1977)

L'Ultimatum des trois mercenaires - Robert AldrichLawrence Dell, Général déchu de l’US Air Force, s’évade d’une prison militaire et prend d’assaut, avec trois autres hommes tous formés par l’armée, un silo de missiles dans le Montana. Armé de neuf missiles de croisière à tête nucléaire, le groupe de renégats va alors entrer en négociation avec la Maison Blanche. Leurs demandes sont précises : 10 millions de dollars, un moyen de fuir le pays et la divulgation publique d’un document classifié. Si les deux premières conditions ne posent pas d’obstacle à la négociation, le rapport en question constitue un véritable problème. Révélant certaines informations sur la guerre du Vietnam, il risque de porter l’ultime coup de grâce à la confiance déjà vacillante que la population voue aux institutions gouvernementales. Alors que le Général MacKenzie, responsable de la chute de Dell, monte une opération militaire visant à reprendre le silo aux mains du traître, le Président Stevens et son cabinet tentent de gagner quelques précieuses minutes pour trouver une solution idéale au conflit. Les yeux rivés sur ce simple bouton rouge qui pourrait déclencher une guerre meurtrière, Dell et ses hommes attendent dans l’étouffante salle de contrôle que la nation s’accorde enfin à dévoiler une sombre vérité.

L'Ultimatum des trois mercenaires - Robert AldrichPortant un regard nihiliste sur le cinéma du complot, Robert Aldrich signait un thriller politique dans l’air du temps qui souligne autant le cynisme gouvernemental que l’immense complexité des affaires étrangères à l’ère du nucléaire. Entièrement construit sur le montage parallèle, employant souvent le split-screen pour nous faire vivre l’état d’urgence, le film suit simultanément trois à quatre intrigues pour opposer les différents points de vue. Vécus au travers d’écrans interposés et des télécommunications omniprésentes, les intérêts en jeu nous deviennent ainsi parfaitement clairs alors même que la tension monte à son comble. Se livrant à une lutte sans répit, la sacro-sainte transparence, la sécurité nationale et la paix mondiale sont exposées pour ce qu’elles sont : une illusion de première nécessité maintenue par le mensonge d’Etat. « C’est un jeu ! » déclare le chef de la CIA « Les Soviets y jouent depuis trente ans et nous n’avons pas d’autre choix que d’y jouer nous aussi. C’est ainsi que tourne le monde depuis 1945. » Tiraillés entre ces deux extrêmes et sachant pertinemment qu’il n’existe pas de réel solution au paradoxe auquel le nucléaire les confronte, tous les personnages du film seront obligés de faire leur choix et d’en assumer la pleine responsabilité.

L'Ultimatum des trois mercenaires - Robert AldrichEntre les deux vieux briscards d’Hollywood que sont Burt Lancaster et Richard Widmark, Charles Durning excelle dans son rôle du Président Stevens et les nombreux seconds-couteaux (Charles McGraw, Paul Winfield, Burt Young ou encore Joseph Cotten) apportent une belle présence à des personnages qui restent en arrière-plan. Par sa science d’une mise en scène resserrée, Aldrich permet à ses acteurs de s’exprimer pleinement et conserve tout au long du film une tension palpable que soutient à merveille l’inquiétante bande originale signée Jerry Goldsmith. Par cet équilibre fragile, que tout faux pas risque d’anéantir pour précipiter le monde entier dans le chaos, L’Ultimatum des trois mercenaires matérialise le fil du rasoir emprunté par les superpuissances au cours de la guerre froide et s’inscrit parmi les films les plus intelligents à traiter du sujet.

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