Cinéma | Nouvelles du front

Le Privé (The Long Goodbye)
un film de Robert Altman (1973)

Le Privé - Robert AltmanEnfin ! Depuis la découverte de ce film de Robert Altman dans une petite salle du quartier latin, j’en attendais impatiemment la réédition. C’est désormais chose faite grâce aux bonnes âmes qui dirigent l’éclectique maison Potemkine. Après une deuxième vision je trouve Le Privé toujours aussi attachant, mais que les férus du Grand sommeil et du film noir soient prévenus, sous les traits d’Elliott Gould, l’iconique Philip Marlowe apparaît davantage comme une parodie de ses précédentes incarnations que comme le macho héroïque d’antan. De sa démarche nonchalante il traversera les sombres énigmes de la ville des anges à la ramasse, grillant tant de blondes qu’il ferait passer Bogart pour un modèle d’hygiène et, accusant constamment un retard sur la police et les criminels, ne semblera jamais en mesure de résoudre son enquête. Et pour cause, ce n’est pas du tout ce qui intéresse Altman. Comme il l’avait fait pour le film de guerre avec M.A.S.H., s’il travaille le polar, c’est uniquement dans le but de faire exploser le genre. Éveillant Marlowe d’un sommeil visiblement entamé dans les années 1940, Le Privé observe le Los Angeles des années 1970 de son point de vue anachronique. Dans cette ville de pacotille l’honnêteté n’a plus droit de cité face à la prédominance du mythe hollywoodien – de la star au gangster – et du régime des images. Ce qui compte, c’est le glamour ; le fric. La dramatisation s’efface au profit du style, les citations contaminent le récit, du Chanteur de jazz au Troisième homme, et les géniales idées de mise en scène se succèdent ; Marlowe n’arrivant même pas à duper son chat, les stars du cinéma classique imitées par un triste gardien de résidence, le reflet du détective fuyant les vagues tandis que derrière la vitre d’une maison luxueuse ses riches clients se disputent violemment. Drôle et mélancolique à la fois, Le Privé est un film atypique touché par la grâce de la performance décalée qu’y livre Elliott Gould. Si la copie proposée par Potemkine est loin d’être parfaite, et après la réédition de Dersou Ouzala ça tend à devenir une mauvaise habitude, ses quelques défauts ne ternissent en rien le plaisir du spectateur. Les suppléments, des entretiens avec Altman et Gould, le directeur de la photographie Vilmos Zsigmond et le critique Jean-Baptiste Thoret, sont riches en renseignements sur la conception d’un film où vous apercevrez, en prime, un Arnold Schwarzenegger mutique dans l’un de ses premiers rôles.

Le Privé de Robert Altman est disponible en DVD et en Blu-ray chez Potemkine

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