Déviances | Musique

The Harrow and the Harvest
un album de Gillian Welch (2011)

The Harrow and the HarvestLes premiers arpèges de « Scarlet Town » résonnent comme une invitation au voyage. Ce récit tout en non-dits d’un douloureux souvenir (I don’t mind a lean old time/Or drinking my coffee cold/But the things I seen in Scarlet Town/Did mortify my soul) donne le ton d’un album qui évoquera, le long de ses dix morceaux, des fresques imbibées d’une nostalgie déjà fièrement affichée par la gravure pastorale qui en orne la pochette. The Harrow and the Harvest n’est cependant pas le disque passéiste que l’on pourrait imaginer, les ballades crépusculaires que sont « Hard Times » (l’histoire d’un fermier et de sa mule dépassés par le progrès technique) ou « Dark Turn of Mind » n’étant qu’exploration d’une intemporelle mélancolie et recherche d’une beauté ténébreuse à laquelle font allusion ces vers susurrés par Welch : « You know some girls are bright as the morning/And some have a dark turn of mind ». Entre cette obscurité et le soleil de plomb qui irradie les transgressions contées dans « Tennessee », la musique folk du duo formé par la chanteuse et David Rawlings, fait d’un brassage d’influences qui s’étendent de Dylan au bluegrass, parvient dans leur cinquième opus à l’épure d’un style. Les arrangements minimalistes – deux guitares et de rares intrusions de banjo – donnent lieu à une musique directe que seule la sensibilité désarmante des textes et des compositions empêche de tomber dans une brutale aridité. Le jeu de Rawlings, qui dans ses mélodies ou sa rythmique se tient à une attaque toute en délicatesse, est sublimé par la voix de sa comparse ; ce doux murmure qui se montre pourtant capable d’une ironie hargneuse sur le fataliste « The Way it Goes » (Becky Johnson bought the farm/Put a needle in her arm/That’s the way that it goes/That’s the way). Jusqu’aux ultimes notes de « The Way the Whole Thing Ends », réminiscence douce-amère d’une histoire d’amour, la présence des deux musiciens vibre au travers de la musique et des paroles, laissant l’impression, une fois le silence retrouvé, de revenir d’un pays lointain mais étrangement intime.

 

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