Le Sadique à la tronçonneuse
un film de Juan Piquer Simón (1982)

Le Sadique à la tronçonneuse

Essayerait-on de nous faire avaler que le bon maniement de la tronçonneuse n’est pas l’apanage du seul bouseux texan élevé à la chair de ses cul-terreux de semblables ? C’est du moins la théorie controversée que défend ce Sadique à la tronçonneuse, ignoble production ibérique qui surfe sur la vague craspec du slasher ricain tout en lorgnant vers le souvenir des heures les plus scabreuses de l’exploitation à l’européenne. L’arrière-pays sauvage cher à Leatherface et consorts cède ici la place à l’une des nombreuses facultés d’un Boston civilisé où, au grand désarroi du risible playboy de service, un insaisissable psychopathe charcute les étudiantes les plus sexy du campus, prélevant à sombre dessein sur chaque nouveau cadavre un morceau de l’anatomie de ses victimes. Ces crimes sanguinaires seraient-ils par un quelconque hasard liés à l’atroce prologue, ce matricide brutal perpétré quarante années plus tôt par un jeune garçon dont la brave et puritaine génitrice avait confisqué trop sévèrement le puzzle érotique favori ? A l’aube des années 1980, la frustration de n’avoir jamais pu placer l’ultime pièce pour recomposer l’image d’un corps dénudé et voluptueux serait-elle sur le point d’exploser sous forme de pulsions sanguinaires à l’extrême ? Vous l’aurez compris, cette joyeuse boucherie signée par Juan Piquer Simón ne fait pas dans la dentelle. Ce n’est certainement pas pour autant que l’on boudera son plaisir.

Le Sadique à la tronçonneuse (Juan Piquer Simón, 1982)Ne vous attendez pas à découvrir un immanquable joyau du cinéma bis ! On ne parle pas ici d’un Hitcher ou des Révoltés de l’an 2000 mais bien d’exploitation qui tache, du genre à savourer entre potes autistes et bières bon-marché. Ce carnage délicieusement répugnant et décérébré, interrompu de temps à autre par les dialogues sans queue ni tête de ses protagonistes à côté de la plaque, ravira plus d’un amateur. Entre une fliquette infiltrée, ancienne championne de tennis pourtant incapable de frapper correctement la moindre balle, et ce prof d’anthropologie vaguement suspect qui officie en tant que légiste pour confirmer à la police que « Ma foi oui ! Cette tronçonneuse ensanglantée abandonnée juste à côté d’un corps démembré a sans doute servi au crime ! », ce n’est pas chez les personnages que l’on trouvera une quelconque vraisemblance. Ne cherchez pas non plus du côté d’un scénario torché par Joe D’Amato et donc forcément pour le moins bancal, vous finiriez par vous arracher les cheveux. Poussant le mauvais goût à l’outrance et bien au-delà, Juan Piquer Simón donne au contraire une qualité surréelle à cet enchaînement de scènes choc et autres moments grotesques en tous genres. Se laissant séduire par l’impensable fièvre meurtrière qui gagne le film, on en oubliera rapidement de s’interroger sur l’identité du tueur pour ne plus se demander que jusqu’où la douce folie du réalisateur nous emportera.

Le Sadique à la tronçonneuse (Juan Piquer Simón, 1982)A chaque fois qu’il semble racler le fond, Le Sadique à la tronçonneuse se montre capable de s’aventurer toujours plus loin dans l’exploitation d’images révoltantes. Violence gratuite et misogynie sont à tel point des leitmotivs du film qu’il devient impossible d’en avoir une lecture au premier degré. Enfin, à moins d’être particulièrement psychorigide… S’il est très difficile d’en prendre le moindre élément au sérieux, la réalisation dans son ensemble reste pourtant d’excellente facture (pour ce type de production j’entends), les choix de cadre et d’éclairage révélant une étonnante volonté de bien faire derrière cet inénarrable bordel transgressif. Faire quoi au juste, on ne saurait pas trop le définir, mais bien faire tout de même. C’est au final ce qui importe et qui donne au Sadique à la tronçonneuse son dérangeant charme, en faisant un peu plus que du simple pain bénit pour vidéoclub : un film d’horreur qui se dévore avec autant de plaisir déviant que de profonde consternation, dont les tendances malsaines et les velléités esthétiques se seraient accordées pour offrir au spectateur le meilleur d’eux-mêmes. Ou le pire, car trente années plus tard le débat reste ouvert.

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