Le Masque de Dimitrios
un film de Jean Negulesco (1944)

Le Masque de Dimitrios

Si vous préférez vos classiques hollywoodiens mâtinés d’un parfum de vieille Europe, laissez-vous plonger par Le Masque de Dimitrios dans les périlleux mystères du Bosphore. Sous l’impulsion de sombres histoires criminelles, embarquez avec le romancier Cornelius Leyden pour un périple qui vous emmènera de la Yougoslavie à Paris ; de l’immédiat après-guerre jusqu’en 1938 ; des coupe-gorge des bas-fonds aux humeurs assassines de la haute société. En remontant la piste laissée par le défunt Dimitrios Makropoulos, Leyden espère découvrir ce qui l’a si profondément intrigué à la vision du cadavre de cet insaisissable gangster et puiser, dans son enquête, la matière d’un nouveau polar dont il a le secret. Comme dans tout bon récit d’espionnage, l’innocent témoin se verra embrigader au fil de sinistres rencontres dans une affaire dont les ramifications le dépassent, sa curiosité le précipitant à son insu vers des zones d’ombre grouillant de danger.

Le Masque de Dimitrios (Jean Negulesco, 1944)Avant de s’illustrer dans le mélodrame (Humoresque, Johnny Belinda) puis la comédie (Comment épouser un millionnaire), Jean Negulesco signait avec Le Masque de Dimitrios son premier long-métrage hollywoodien. Ancré dans la plus pure tradition du film noir, préfigurant autant Le troisième homme (Carol Reed, 1949) que L’Affaire Cicéron (Joseph L. Mankiewicz, 1952), le réalisateur d’origine roumaine y explore par un savant enchevêtrement de souvenirs l’aura mystérieuse du vieux continent. La mécanique narrative était certes déjà éprouvée, elle sied parfaitement au récit et à l’étude de son énigmatique figure centrale. Chaque témoignage que recueille Leyden dans l’espoir de percer les secrets de Dimitrios ne fera que lui rendre ce personnage plus fascinant en exposant de nouvelles facettes insoupçonnées de sa trajectoire criminelle. Chaque flashback nous égarera à l’image de l’écrivain dans les souterrains de l’Histoire européenne : un cloaque où les complots se multiplient, où politique et grand banditisme vont de pair.

Le Masque de Dimitrios (Jean Negulesco, 1944)Le moindre individu croisé en route nourrissant ses propres raisons d’en vouloir à Dimitrios, le film de Negulesco se montre aussi désorientant par son fourmillement d’intrigues secondaires qu’il aime à nous dépayser par l’éclectisme de ses paysages et protagonistes. L’exotisme ambiant n’émane cependant pas des seuls décors, ni davantage du charme méditerranéen de Zachary Scott, du flegme britannique de l’imposant Syndey Greenstreet ou du toujours brillant Peter Lorre, forcément connoté pour ses rôles antérieurs chez Lang, Huston ou encore Curtiz. L’on éprouve au contraire le sentiment de poser pied en terre étrangère par la manière dont Leyden ose abandonner sa zone de confort pour découvrir la nature sordide d’un monde qu’il n’avait pu jusqu’alors que fantasmer. Tiraillé entre dégoût et empathie, l’auteur en découvrira autant sur lui même que sur son sujet de prédilection car, bien que leurs machinations dépassent tout ce qu’il pouvait imaginer pour distraire ses lecteurs, ces gangsters se révéleront derrière leurs masques n’être que de simples hommes rongés par une ambition et une violence auxquelles il s’avèrera trop facile de succomber.

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