Cinéma | Nouvelles du front

La Vierge violente (Shojo geba geba)
un film de Koji Wakamatsu (1969)

La Vierge violente - Koji WakamatsuSe déroulant intégralement au milieu d’un vaste champ de dunes, La Vierge violente démarre avec l’arrivée d’une bande de prostituées et de voyous à bord de vieilles bagnoles cabossées. Ils emmènent avec eux un homme et une femme, tous deux ligotés et les yeux bandés. Au fil des humiliations, il s’avérera que les deux captifs sont amants et que leurs ravisseurs, à la solde de yakuzas, ont été chargés de les torturer avant de les abattre. Autre part dans ce désert, un deuxième groupe se paie du bon temps, prenant des clichés de vacances et tirant sur tout ce qui bouge avec un fusil de précision. Crucifiée, Hanako restera une observatrice impuissante du triste spectacle tandis que Hoshi passera du statut de victime à celui de bourreau ; de celui d’Homme à quelque chose de bien plus sombre et bestial.

La Vierge violente - Koji WakamatsuComme souvent chez Wakamatsu, le pinku eiga1 ne sert dans La Vierge violente que de prétexte à l’exploration de thèmes inabordables au sein des grands studios japonais. Confinées à l’espace minuscule d’un abri de fortune ou d’une banquette arrière, même les scènes érotiques – sa raison d’être fondamentale – y seront clairement escamotées. Du haut de sa croix massive, Hanako est le centre névralgique du film et c’est son regard, une question déjà centrale dans Les Secrets derrière le mur (1965), que le réalisateur cherche à nous faire partager. Ces grands espaces  qui s’étendent à perte de vue ne recèlent d’aucun signe de vie et par-delà l’horizon du désert poussiéreux, plus rien ne semble exister. Alors qu’à ses pieds des hommes se massacrent à violents coups de gourdins, le paysage lunaire qui l’entoure, et dont elle ne réchappera jamais,devient le symbole d’une civilisation ayant trahi toutes ses valeurs et donc condamnée à la ruine.

La Vierge violente - Koji WakamatsuLa jeune Hanako ne souffre ici que pour contempler le gâchis incommensurable qui résulte de la vaine existence des Hommes. Son calvaire éclatera lors de quelques fulgurants plans en couleur, le sang écarlate souillant l’écran de son écoulement futile. Âpre et hystérique, La Vierge violente impose sa nostalgie désabusée au travers de la désolation finale des deux amants, Koji Wakamatsu signant une œuvre instinctive et brutale qui fascine autant par le surréalisme impénétrable de sa poésie visuelle que par son insolente liberté et sa noirceur absolue.

1 pinku eiga : cinéma d’exploitation japonais visant un public adulte

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