Cinéma | Litanies

Après l’âge d’or, quels nouveaux visages pour l’horreur ?

Bug - William FriedkinOn prétend le cinéma d’horreur moribond et, à se remémorer l’alarmante détérioration des franchises les plus importantes du genre, l’aseptisé revival slasher du milieu des années 1990 et la vague opportuniste de remakes instiguée par un tâcheron dont je préfère taire le nom, on aurait toutes les raisons d’adhérer à ce triste postulat. Voir Leatherface, Freddy Krueger ou Jason Voorhees réduits à faire les marioles dans de sombres bouses taillées sur mesure pour un public d’adolescents, films d’où s’absente toute trace de la subversion qui inscrivit à jamais les œuvres originales dans l’inconscient collectif (du moins de ma génération), a de quoi faire enrager n’importe quel spectateur doté du minimum syndical d’esprit critique.

Le genre connut, c’est indéniable, son âge d’or entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1980. Sous l’impulsion de jeunes prodiges du maquillage et du démembrement qui déployaient alors un impressionnant arsenal d’effets gores novateurs et réalistes (Baker, Nicotero, Savini, Stivaletti), le cinéma d’horreur allait au cours de ces décennies constituer son canon et offrir à son public vorace, en marge du travail fascinant de réalisateurs qui resteront ses plus remarquables artisans (Argento, Bava, Carpenter, Craven, Cronenberg, Fucli, Polanski, Romero), autant de festins sanguinaires décérébrés (Le Retour des morts-vivants, Street Trash, à peu près tout Herschell Gordon Lewis) que de chefs d’œuvres visionnaires, aussi intelligents que profondément dérangeants (Hellraiser, Hitcher, Santa Sangre, Schizophrenia, The Wicker Man). Exploité jusqu’à la moelle, abordé sous tous les angles imaginables, le cinéma d’horreur semblait alors ne plus rien avoir à nous montrer.

Prince des ténèbres - John CarpenterPourtant, à y regarder de plus près, après ses derniers soubresauts de la fin des années 1980 – dont le magistral et terrifiant Prince des ténèbres de John Carpenter – le genre nous offre depuis vingt ans et à intervalles régulières de nombreuses raisons de frémir. Retour donc sur dix incontournables films d’horreur tournés depuis 1990 (ainsi qu’un petit bonus), à découvrir de toute urgence pour ceux qui douteraient encore de la capacité du cinéma à peupler nos cauchemars.

L’Armée des ténèbres, Sam Raimi (1992, Army of Darkness)

L'Armée des ténèbres - Sam RaimiA l’heure où circulent les premières images du remake d’Evil Dead, que l’on a cru bon de confier à cet insupportable sous-produit culturel qu’est Diablo Cody, il serait temps de revisiter le troisième et plus divertissant volet de la trilogie originale. Il n’est plus ici question de cabane dans les bois, Ash se retrouvant cette fois plongé au cœur du Moyen Âge où il devra affronter des hordes de Deadites toujours plus diaboliques pour regagner son époque natale.

Candyman, Bernard Rose (1992)

Candyman - Bernard RoseAdapté d’une nouvelle de Clive Barker (dont le cerveau tordu nous avait offert l’effrayant Hellraiser), Candyman reste l’un des films d’horreur les plus marquants des années 1990. Travaillant la fine ligne entre fiction et réalité, Bernard Rose nous y plonge tête la première dans un monde urbain angoissant et distille une passionnante réflexion sur la peur, les frayeurs de la bourgeoisie trouvant un écho dans la désaffection de la société à l’égard de ses membres les moins fortunés.

L’Antre de la folie, John Carpenter (1994, In the Mouth of Madness)

L'Antre de la folie - John CarpenterHommage vibrant rendu aux écrits d’H.P. Lovecraft, L’Antre de la folie est sans doute le meilleur film réalisé par John Carpenter depuis Invasion Los Angeles. C’est aussi l’un de ses plus terrifiants. Tout paraît étrange dans cette ville où se rend John Trent pour retrouver l’écrivain Sutter Cane, disparu alors qu’il doit rendre un manuscrit très attendu. Alors que le cauchemar prend lentement le dessus, notre héros se demandera si c’est lui ou bien le monde qui l’entoure qui sombre petit à petit dans la démence.

Dellamorte Dellamore, Michele Soavi (1994)

Dellamorte Dellamore - Michele SoaviL’ancien assistant de Dario Argento se fait décidément trop rare au cinéma. Cette adaptation de Dylan Dog, bande dessinée italienne culte, sera suivie d’une absence des grands écrans longue d’une douzaine d’années (jusqu’au très bon polar, Arrivederci Amore Ciao). Pourtant Soavi y réinventait le film de zombies bien avant que le sous-genre ne revienne à la mode, nous offrant au passage une succession de scènes inoubliables où se mêlaient un morbide érotisme et des litres d’hémoglobine. Gna !

Bubba Ho-Tep, Don Coscarelli (2002)

Bubba Ho-Tep - Don CoscarelliUn Elvis vieillissant que tout le monde prend pour un sosie allumé et un JFK que le gouvernement aurait fait teindre en noir luttent contre une momie ayant élu domicile près de leur maison de retraite dans le deep-South ricain. La bestiole espère ainsi se nourrir en toute quiétude des âmes d’octogénaires à l’article de la mort. Que dire de plus ? Ce n’est pas le film le plus effrayant de cette liste mais Don Coscarelli, le réalisateur de Phantasm, y est au sommet de son art.

The Devil’s Rejects, Rob Zombie (2005)

The Devil's Rejects - Rob ZombieRien ne laissait présager, dans La Maison des 1000 morts, du ton qu’adopterait Rob Zombie pour nous conter la suite des aventures de la famille Firefly. Intense, désopilant, drôle, The Devil’s Rejects nous permet de retrouver certains des plus ignobles individus apparus sur nos écrans ces dernières années. On attend le retour de Zombie, après son remake passable d’Halloween, avec The Lords of Salem prévu courant 2013.

Bug, William Friedkin (2006)

Bug - William FriedkinS’il est responsable d’un film que beaucoup considèrent comme étant l’un des plus terrifiants de l’histoire du cinéma, William Friedkin ne se cantonnera jamais au genre de l’horreur. Après des années 1990 passées au creux de la vague, en 2006 il nous offrait Bug, un thriller psychologique sous forme d’huis-clos adapté d’une pièce de Tracey Letts. Révélant le brillant Michael Shannon, le réalisateur de Police Fédérale Los Angeles et Le Convoi de la peur signait l’un des meilleurs films des années 2000, à revoir avec toujours autant de plaisir.

Morse, Thomas Alfredson (2008 Lat den ratte komma in)

Morse - Thomas AlfredsonThomas Alfredson réalisait avec Morse l’un des films de genre les plus atypiques de ces dernières années, évitant à merveille les innombrables clichés habituellement associés aux vampires. Porté par une mise en scène d’une précision aussi glaciale qu’irréprochable, ce morbide conte de fées rappelle les grandes heures du cinéma d’horreur tout en se montrant capable de modernité sur les plans visuels et narratifs.

The Woman, Lucky McKee (2011)

The Woman - Lucky McKeeDéjà remarqué pour May – excellent  premier film, malheureusement passé inaperçu – Lucky McKee confirme tout le bien qu’on pensait de lui avec l’imprévisible The Woman. Derrière l’histoire de cette famille de tarés dissimulant un affreux secret aux yeux de sa communauté, The Woman livre une critique, dont la cruauté n’a d’égale que la violence, sur la misogynie de la société contemporaine. McKee s’est aussi révélé, au fil de ses réalisations, comme étant l’un des rares cinéastes encore capables d’écrire des rôles féminins échappant aux stéréotypes.

Berberian Sound Studio, Peter Strickland (2012)

Berberian Sound Studio - Peter StricklandJ’ai déjà parlé sur Cinésthésies de ce magnifique Berberian Sound Studio de Peter Strickland et je ne manquerai certainement pas d’y revenir. En attendant, si les mots-clefs « cinéma d’horreur italien », « David Lynch » ou « films obsessionnels » retiennent votre attention, restez à l’affut : c’est le film à ne pas manquer en 2013 !

Le bonus : Masters of Horror – Saison 1 (2005)

Masters of HorrorLa série à l’initiative de Mick Garris avait tout pour finir en grandiose plantage ; malgré deux ou trois épisodes en-dessous du lot, force est de constater que la première saison est une véritable réussite. Dario Argento signe avec Jennifer son meilleur film des vingt dernières années et la participation de réalisateurs chevronnés (John Carpenter, Don Coscarelli, Joe Dante, Stuart Gordon, John Landis), mais aussi du novice prometteur qu’est Lucky McKee, assure le spectacle. C’est certes inégal mais dans le genre « anthologies » on aura vu nettement pire. Au cours des treize épisodes, où l’horreur est déclinée sous toutes ses formes, vous prendrez sans doute énormément de plaisir.

Si tout ça ne suffit pas à vous rassasier, voici encore une dizaine de titres à dévorer sans modération. Je suis sûr que vous avez vos propres suggestions alors n’hésitez pas à les partager dans les commentaires.

L’Esprit de Caïn (Brian De Palma, 1992), Fantômes contre fantômes (Peter Jackson, 1996), Funny Games (Michael Haneke, 1997), Ginger Snaps (John Fawcett, 2000), Dog Soldiers (Neil Marshall, 2002), Calvaire (Fabrice Du Welz, 2004), Wolf Creek (Greg Mclean, 2005), Horribilis (James Gunn, 2006), The Host (Bong Joon-ho, 2006), Kill List (Ben Wheatley, 2012)

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