Cinéma | Nouvelles du front

Walker
un film d’Alex Cox (1987)

Walker - Alex Cox

En 1856, l’humaniste et flibustier américain William Walker est envoyé au Nicaragua par le millionnaire Cornelius Vanderbilt ; un puissant homme d’affaires qui envisage de faire de ce minuscule pays anarchique l’incontournable point de passage entre l’Atlantique et le Pacifique. Levant une armée de mercenaires grâce aux considérables richesses de son employeur, Walker – convaincu du destin manifeste de sa nation – espère inculquer au peuple nicaraguayen les fondements de la sacrosainte démocratie américaine. Rongé par le deuil, il sombre cependant dans la démence et va renier, au cours des mois qui suivent, tous ses principes un par un. Ayant écrasé toute résistance et éliminé ses adversaires politiques, Walker s’autoproclamera président avant d’entraîner son régime sur la pente de l’autodestruction en menant une fronde absurde contre ses anciens partenaires nord-américains.

Walker - Alex Cox

Quand la Universal s’accordait à financer le projet d’Alex Cox, les dirigeants du studio étaient sans doute loin de s’imaginer qu’une adaptation de faits historiques deviendrait, pour le réalisateur britannique, l’occasion de se lancer dans une satire incendiaire visant les politiques étrangères des années Reagan et Thatcher. Faisant de son héros un dangereux illuminé et émaillant son récit d’anachronismes saugrenus – des paquets de Marlboros qui trainent aux exemplaires du Times Magazine dont une photo de William Walker orne la couverture lorsqu’il est élu homme de l’année – Cox ne laisse aucun doute quant à ses intentions : son film parle autant de l’expédition de 1856 que de l’interventionnisme néocolonialiste menée dans les années 1970 et 1980 par les Etats-Unis. Si on y retrouve en un premier temps l’humour irrévérencieux de Straight to Hell, le film précédent du réalisateur aux forts accents punk-rock, ainsi qu’un hommage direct au cinéma Peckinpah, Walker est de toute évidence divisé en deux parties. La seconde moitié très onirique du film répond à la première plus réaliste, nous plongeant dans l’esprit tourmenté de son protagoniste alors que le monde s’écroule autour de lui, entraîné dans la chute par l’abandon de ses propres valeurs. Soutenue par l’hypnotique musique de Joe Strummer, anciennement des Clash, la mise en scène se fait dès lors plus stylisée et imprime sur le celluloïd d’horrifiques visions de la folie des hommes que traverse un Ed Harris halluciné. Entouré d’acteurs fétiches de Cox (Sy Richardson, Miguel Sandoval, Peter Boyle, Dick Rude), l’acteur livre une performance proche de celle magnifique qu’il offrait dans le Knightriders de Romero (1981), et incarne à merveille William Walker ; cet homme surnommé « the grey-eyed man of destiny » qui deviendra à titre posthume un héros des Etats confédérés pendant la guerre de sécession.

Walker - Alex CoxSorti fin août chez Mes Editions Préférées, le DVD français de Walker présente une très belle copie du film. C’est donc l’occasion de découvrir l’une des œuvres les plus virulentes et soignées d’Alex Cox, le réalisateur des excellents Repo Man, Sid and Nancy et Highway Patrolman dont la majorité du travail reste encore inédite et mésestimée chez nous.

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