Cinéma | Nouvelles du front

Knightriders
un film de George A. Romero (1981)

Knightriders - George A. Romero (1981) (affiche de Nathanael Marsh pour l'édition Arrow)Si la notoriété acquise grâce à La Nuit des morts-vivants permit à George Romero de mettre en chantier des productions audacieuses en marge du circuit classique, elle l’enferma aussi dans le genre qu’il venait de créer. Certains de ses projets les plus personnels, à l’image de Martin dont l’échec précéderait l’immense succès de Zombie, étaient ainsi destinés à passer inaperçus. Ambitieuse pièce maîtresse de sa filmographie où s’expriment le plus ouvertement ses idéaux, Knightriders sortira aux Etats-Unis en même temps qu’Excalibur. Face à l’épopée grandiose que signait John Boorman et en l’absence de toute forme d’horreur ou de fantastique, le film peinera à trouver son public. Mal distribué en Europe, rarement projeté en France, Arrow sort le film pour la première fois en Blu-ray dans une édition qui s’annonce incontournable.

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Dans une Amérique à l’orée du reaganisme triomphant, Billy Davis mène sa troupe itinérante au travers du pays pour donner des spectacles médiévaux où les chevaliers s’affrontent désormais à moto. Lorsque le consumérisme triomphant fait brutalement irruption dans ce microcosme fondé sur les valeurs arthuriennes, le roi bienveillant devra lutter contre la lassitude de ses compagnons et les convaincre du bien-fondé du style de vie qu’il leur impose. Harcelés par ceux qui n’ont jamais embrassé l’idylle des diverses contre-cultures dont ils sont issus, plusieurs membres de la troupe se joindront à la fronde menée par Morgan, le plus dangereux des prétendants au trône. Voyant ses rêves se dissiper sous la pression des dures réalités socio-économiques, Billy sera forcé de remettre en cause l’intransigeance de ses méthodes dans une tentative désespérée de sauver l’intégrité de son royaume.

Knightriders - George A. Romero (1981)S’étalant sur près de deux heures et demi, bien plus que tout autre film de Romero Knightriders privilégie le développement des personnages à l’action. Empruntant ses héros à la légende arthurienne, le film suivra le périple de cette troupe où se côtoient bikers, hippies, homosexuels et afro-américains – la majorité interprétée par des acteurs vus plus d’une fois chez le cinéaste – pour dresser le portrait de ces exclus des décennies passées. Romero ne se contente pas cependant, comme on aurait pu l’attendre de la part d’un réalisateur aussi politisé, de poser un regard affectueux sur ce groupe, s’intéressant plutôt aux contradictions qui rendent ingérables cette vie en marge de la société. Minant les efforts de la communauté, les tensions éclateront au cours d’ahurissantes joutes à moto pour révéler toute la difficulté de poursuivre d’utopiques ambitions alors même que l’esprit contestataire s’efface en faveur de la résignation générale.

Knightriders - George A. Romero (1981)En meneur de la troupe, Billy Davis se pose d’emblée comme l’alter ego de Romero. Entourés de leurs compagnons les plus fidèles, les deux hommes devront résister aux tentations et aux compromis pour faire vivre leurs idéaux. Pour son premier grand rôle au cinéma, Ed Harris démontre tout son talent en rendant crédible son personnage d’illuminé (voir aussi sa performance dans cet autre film maudit des années 1980, l’incendiaire Walker d’Alex Cox.) Le réalisateur ne se privera pas pour autant de souligner le caractère dictatorial de son héros et consacrera autant du récit à dépeindre le collectif dont notamment Morgan, l’antithèse de Billy interprété avec justesse par Tom Savini. Il en résulte l’un des films les plus atypiques, mais aussi les plus accomplis, de la carrière de Romero ; un drame fantaisiste et libéré qui reflète néanmoins son époque et les profondes convictions de son auteur.

L’édition Arrow

Compte tenu des limites techniques que connaissait Romero à l’époque, Arrow présente une version de Knightriders qui, correspondant à celle projetée à l’Etrange Festival en 2012, offre une excellente qualité d’image et de son et dont les rares défauts sont à imputer davantage au master qu’au travail de l’éditeur. Le commentaire audio, les nouveaux entretiens (avec Ed Harris, Tom Savini, Patricia Tallman et le compositeur Donald Rubinstein) ainsi que le texte de Brad Stevens retracent la genèse du film pour en souligner les thèmes fondamentaux et évoquent à merveille l’esprit familial qui régna sur le tournage. Il ne manque ici qu’une participation récente de Romero, ses propos étant limités au commentaire datant de 2000, lorsqu’il travaillait sur Bruiser, et à la reproduction d’un article de 1981.

En attendant d’apprendre quelles surprises nous réserve l’édition américaine prévue chez Shout! Factory au mois de juillet, ceux qui ont une certaine maîtrise de l’anglais – seul le film bénéficiant d’un quelconque sous-titrage (anglais pour malentendants) – peuvent donc déjà se jeter sur le combo Blu-ray et DVD de Knightriders qui sort chez Arrow le 22 avril.

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