Cinéma | Nouvelles du front

Frankenstein’s Army
un film de Richard Raaphorst (2013)

Frankenstein's Army (Richard Raaphorst, 2013)En matière de cinéma d’exploitation, la Seconde Guerre mondiale est l’un des sujets les plus périlleux auxquels l’on puisse s’attaquer. Tant le traumatisme demeure profondément ancré dans la conscience collective, l’événement résiste à la désacralisation comme en attestent le déclin rapide de la Nazisploitation dans les années 1980 ou les efforts plus récents des promoteurs de gommer toute référence explicite au Troisième Reich des affiches françaises d’Iron Sky (Timo Vuorensola, 2012). Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, le néerlandais ayant déjà planché sur des projets aussi variés que des films avec Jackie Chan (Who Am I?, 1998), de Stuart Gordon (Dagon, 2001) ou de Paul Verhoeven (Black Book, 2006), Richard Raaphorst n’a donc pas choisi la facilité. Il nous offre pourtant quatre-vingt-dix minutes jouissives au cours desquelles nous assisterons au sort de rustres soldats décimés par des zombots nazis aux designs tous plus extravagants les uns que les autres.

Frankenstein's Army (Richard Raaphorst, 2013)En mission de reconnaissance en plein territoire allemand, une patrouille de l’Armée Rouge capte de mystérieux signaux de détresse émanant d’un village abandonné. Dans l’impossibilité de communiquer avec le quartier général, les soldats décident en un élan de bravoure de porter secours à leurs compatriotes désespérés. Muni d’une caméra, l’un d’entre eux a été chargé de documenter les faits de guerre de ces héros de l’URSS mais, arrivé au village, ce seront des images d’une toute autre nature qu’il sera amené à enregistrer. Découvrant un véritable charnier, où s’entassent les cadavres démembrés de religieuses, de civils et de soldats, l’escouade plongera bientôt dans l’enfer d’un laboratoire expérimental. Profondément cinglé, le Docteur Viktor Frankenstein s’y applique à mettre au point une arme secrète : une armée de la dernière chance composée de soldats réanimés par la science et armés littéralement jusqu’aux dents par des modifications anatomiques.

Frankenstein's Army (Richard Raaphorst, 2013)Je n’affectionne pas particulièrement la technique du found footage mais force est de constater que dans Frankenstein’s Army, et ce malgré les nombreux anachronismes1, le style fonctionne à merveille. En présentant son récit comme le visionnage chronologique des bobines retrouvées, Raaphorst parvient à créer un réel sentiment d’immersion ; l’image aux couleurs délavées et les mouvements de caméra nerveux ne faisant qu’accentuer l’ambiance répugnante provoquée par l’opulence gore. La caméra à l’épaule est parfaitement maîtrisée et le réalisateur reste suffisamment lucide pour poser son cadre de temps à autre, histoire de nous ménager quelques instants de répit, mais aussi pour nous gratifier de savoureux instants alors qu’une forme inquiétante passe furtivement au fond d’un couloir ou apparaît dans un coin du champ. Les faiblesses de Frankenstein’s Army sont ainsi rapidement oubliées et le spectateur aura tout loisir d’être dégoûté par les décors cauchemardesques, de s’émerveiller devant ces créatures plus étonnantes que réellement effrayantes et de s’amuser enfin d’un humour pince-sans-rire mais délicieusement irrévérencieux, à l’image du savant fou tentant de réconcilier les peuples en greffant l’hémisphère gauche du cerveau d’un fervent communiste au droit de celui d’un officier SS.

1La pellicule couleur était peu répandue au début des années 1940, le format et les caméras légères employés dans le film n’apparaîtraient que bien des années plus tard. De plus, l’on se demande bien pourquoi ces Russes et Polonais discutent en un anglais impeccable. Mais le réalisme n’étant pas ici l’intérêt principal, l’on passera volontiers à Raaphorst ces quelques approximations.

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