Cinéma | Nouvelles du front

Modus Anomali : Le Réveil de la proie
un film de Joko Anwar (2012)

Modus Anomali : Le Réveil de la proie - Joko AnwarEn pleine jungle paisible, un homme s’arrache à la terre où il vient d’être enterré vif. Ne se souvenant plus de qui il est, ni d’où il se trouve, pris de panique il s’enfuira au travers de la végétation pour se retrouver devant un pavillon isolé. Fouillant la demeure, il découvre le cadavre d’une femme et un enregistrement vidéo de son meurtre particulièrement sadique. Rapidement, nous apprendrons avec lui que la défunte n’est autre que son épouse et que leurs deux enfants sont partis à sa recherche. Dans les alentours, les tueurs rôdent encore. On l’aura compris, avec Modus Anomali le réalisateur indonésien Joko Anwar s’inscrit à priori dans le survival pur et dur ; le film à budget réduit tourné dans la forêt du coin. A priori seulement, car au cours de son dernier acte le film s’efforcera d’innover un genre usé jusqu’à son ultime corde en se nourrissant d’influences aussi variées que Predator (John McTiernan, 1987) ou Funny Games (Michael Haneke, 1997), des références dont il n’égalera malheureusement jamais les qualités narratives ou l’intelligence perfide.

Modus Anomali : Le Réveil de la proie - Joko AnwarLes vingt premières minutes de Modus Anomali sont d’une intensité remarquable, Joko Anwar parvenant à nous foutre les jetons avec une menace omniprésente mais invisible, prête à jaillir à tout moment de n’importe quelle direction. Cette entame, notamment lors d’une scène située dans une cabane abandonnée, ne propose certes pas de réelles nouveautés mais la précision de la mise en scène est d’une efficacité diabolique et rappelle à quel point le cinéma de genre, plutôt que de s’entêter à réinventer la poudre, devrait parfois se contenter de soigner ses éléments fondamentaux. Malheureusement, la chose se gâte par la suite, le film s’essoufflant complètement au cours de son deuxième tiers et n’arrivant à se rattraper qu’en partie sur la fin. Si la volonté de mettre en parallèle les motivations du tueur avec celles du cinéma d’horreur lui-même est bonne en soi, la voie empruntée est quand-à-elle beaucoup plus douteuse. Anwar, pour développer cette seule originalité de son film, se concentre sur les circonvolutions de son récit au point d’en oublier ses personnages. N’éprouvant pour eux plus la moindre empathie, le spectateur peinera à s’intéresser à leur dérive psychologique et donc à s’investir dans leur calvaire. La mécanique alambiquée, son caractère artificiel, souvent forcé et prétentieux, prend alors le pas sur le récit lui-même et le film s’empêtre dans un nombrilisme qui nous maintient irrémédiablement à l’écart.

Modus Anomali : Le Réveil de la proie - Joko AnwarAlors que la tension disparaît entièrement, il ne reste pas grand-chose d’intéressant à ce Modus Anomali. Le jeu des acteurs ne fait pas honneur à la mise en scène et les idées sont mal servies par la qualité d’écriture. Malgré tout, ne serait-ce que pour sa démarche malsaine et la frousse initiale qu’il provoque, Modus Anomali démontre déjà plus d’ambition que le récent et très ennuyeux remake d’Evil Dead (Fede Alvarez, 2013), un film qui ne se contente que de régurgiter les lieux-communs du genre.

Quelque chose à ajouter ?

N'hésitez pas à réagir à l'article, je vous réponds au plus vite!

Les champs marqués d'un * sont obligatoires. Votre adresse mail ne sera pas publiée.