Cinéma | Nouvelles du front

L’Enfer des zombies (Zombi 2)
un film de Lucio Fulci (1979)

L'Enfer des zombies - Lucio FulciA la fin des années 1970, une trentaine de films couvrant nombre de genres au compteur, Lucio Fulci voyait sa carrière s’enliser dans l’impasse d’émissions de variété réalisées pour la télévision. Enzo G. Castellari déclinant l’offre (ou exigeant un cachet trop élevé, selon les versions), le producteur Fabrizio De Angelis se tourna alors vers lui pour mettre en scène L’Enfer des zombies. Ayant déjà tourné quelques giallos à l’approche très graphique de la violence, dont La longue nuit de l’exorcisme et Les Salopes vont en enfer méritent amplement que s’y attarde le spectateur averti, Fulci n’avait encore jamais versé dans l’horreur fantastique. C’est pourtant un genre où son talent s’épanouira et le succès de cette pure œuvre de commande, comme la controverse suscitée par le déploiement insoutenable d’effets gores, le mènera à réaliser une série de films (Frayeurs, L’Au-delà et La Maison près du cimetière) qui constituent l’une des périodes les plus passionnantes de sa filmographie.

Godfather of Gore : critique du film

Souvent perçu comme une tentative de profiter du succès de Zombie (1978), L’Enfer des zombies reprend certes l’aspect gore des films de Romero mais renoue surtout avec le gothique et l’exotisme du mythe original tel qu’il fut exploité par Victor Halperin dans Les Morts-vivants (1932) et Jacques Tourneur dans Vaudou (1943). Scénarisé par Dardano Sacchetti et Elisa Briganti (qui ont souvent coopéré avec Fulci mais aussi Mario Bava sur La Baie sanglante et Shock, son fils Lamberto sur Démons, ou encore Dario Argento sur Le Chat à neuf queues), le film s’ouvre avec l’arrivée d’un mystérieux navire dans la baie de New York pour emporter ses personnages vers une île maudite des Caraïbes. A Matul, depuis quelques temps, les morts se relèvent pour dévorer les vivants et malgré tous ses efforts le docteur Menard ne parvient à trouver ni d’explication ni de solution à l’épidémie.

L'Enfer des zombies - Lucio FulciSeul véritable film de zombies de Fulci – ses prochaines réalisations ne feront que décliner le thème pour développer d’autres formes – L’Enfer des zombies n’en constitue pas moins l’une des œuvres les plus emblématiques du genre ainsi qu’une pièce fondamentale du cinéma d’horreur. Si le gore apparaît à l’écran dès le début des années 1960 avec le meurtre de John F. Kennedy, puis chez des cinéastes comme Herschell Gordon Lewis, George A. Romero ou Sam Peckinpah, il prend chez Fulci de toutes autres ampleur et signification. Les effets imaginés par Giannetto De Rossi et son équipe relèvent certes du tour de force technique mais en ponctuant son film de scènes inoubliables et iconiques – un combat sous-marin entre un zombie et un (vrai !) requin, un œil crevé par une écharde de bois en très gros plan, des conquistadors en décomposition émergeant de leurs tombes – Fulci s’en sert pour créer une ambiance de putréfaction morbide et nous plonger dans un abîme de terreur.

L'Enfer des zombies - Lucio FulciPêchant par ses faiblesses scénaristiques, et l’habituel manque de moyens, L’Enfer des zombies bénéficie néanmoins d’un casting solide et d’une mise en scène qui alterne entre l’économie narrative et un souffle visionnaire. Le travail sur l’image en est certainement le point fort, la lumière de Sergio Salvati et les mouvements de caméra exécutés par Franco Bruni permettant au film d’atteindre une qualité rare pour ce type de production. L’inquiétant thème principal, signé par Fabio Frizzi, est à ranger aux côtés des compositions de Morricone, des Goblins ou de Cipriani parmi les plus belles musiques de film italiennes. Bien qu’il ne s’agisse pas du chef d’œuvre de Lucio Fulci, manquant de l’exubérance baroque de L’Au-delà ou de Les Salopes vont en enfer, L’Enfer des zombies demeure le film qui, grâce à quelques scènes d’anthologie dont l’intensité a rarement été égalée, aura ouvert la voie au gore dans le cinéma-bis italien.

En DVD chez Neo et Blu-ray chez Arrow

Si Neo Publishing, le regretté label français, proposait déjà un collector plus qu’honnête de L’Enfer des zombies, le Blu-ray récemment sorti chez Arrow Films offre une véritable amélioration de l’image et un son cristallin. Les compléments présents sur l’édition anglaise comportent notamment un documentaire d’une heure retraçant la genèse du film de zombies moderne, de Romero à son exploitation massive en Italie puis de son essoufflement, et la participation rare d’Elisa Briganti qui revient, lors d’un commentaire audio, sur ses collaborations avec plusieurs maîtres de l’horreur transalpine (Fulci, Lenzi, Bava…). Alan Jones, spécialiste très érudit du cinéma d’horreur, et Stephen Thrower, auteur de l’un des rares ouvrages consacrés à Fulci1, nous gratifient d’un second commentaire qui s’étend davantage sur la place du film dans le cinéma d’horreur et dans la filmographie du cinéaste. La question de la censure et des « video nasties » est aussi longuement abordée et nous avons enfin droit à une interview et la visite de l’atelier de Gino De Rossi. Comme toujours chez l’éditeur, seuls des sous-titres anglais sont disponibles sur le film et les bonus en italien.

1Beyond Terror: The Films of Lucio Fulci, Stephen Thrower (FAB Press, 2002)

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