Cinéma | Litanies
En 2013 sur les autres écrans
Chaque année, en marge des blockbusters qui trustent nos écrans et de ces sorties plus confidentielles qui arrivent à se frayer un chemin vers les salles obscures, distributeurs et programmateurs de festivals nous offrent l’occasion de découvrir un tout autre visage du cinéma. Au travers de rétrospectives, d’avant-premières et d’inédits, c’est autant le patrimoine que le cinéma de demain qui est ainsi célébré, tout en accordant aux œuvres condamnées à ne jamais connaître l’exploitation sur grand écran une rare chance de briller dans des conditions optimales. Tour d’horizon de ce que l’année 2013 nous aura réservé de plus palpitant en la matière.
Rétrospective Yasujiro Ozu
Le 12 décembre dernier, nous fêtions les 110 ans de la naissance, ainsi que les 50 ans de la mort, de celui que beaucoup considèrent, aux côtés de Kenji Mizoguchi, Mikio Naruse ou Sadao Yamanaka, comme l’un des pères fondateurs du cinéma japonais. En ce qui me concerne, Yasujiro Ozu appartient tout simplement au rang des cinq ou six réalisateurs majeurs de l’histoire du septième art. Ce fut donc un immense plaisir de revoir en salles deux de ses plus belles œuvres en version restaurée, Le Voyage à Tokyo (1953) et Le Goût du saké (1963), mais aussi de découvrir son premier film parlant, Le Fils unique (1936), resté jusqu’alors inédit en France. C’est à Carlotta Films, qui poursuit avec brio son travail sur le patrimoine cinématographique, que nous devons ce plaisir qui se prolongera en 2014 avec la réédition d’autres films de ce cinéaste si particulier.
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Rétrospective John Carpenter
C’est au Grand Action qu’était tenu un hommage à un autre de mes réalisateurs fétiches, John Carpenter. Inutile, je pense, de vous présenter le monsieur mais quelle joie absolue de voir pour la première fois en salles, et en 35mm, The Fog (1980), Christine (1983) et L’Antre de la folie (1994). Petite surprise en ce début d’année 2014, puisque les éditeurs français se décident enfin à nous proposer de belles éditions en haute définition des films de Carpenter, à l’image de la sortie chez Carlotta (et oui, encore eux) de Dark Star (1974), un premier film coécrit avec nul autre que son pote de fac Dan O’Bannon, l’immense et regretté scénariste d’Alien (Ridley Scott, 1979) et réalisateur du Retour des morts vivants (1985).
Nuit de soutien à John McTiernan
Piège de cristal (1988), À la poursuite d’Octobre Rouge (1990) et Le treizième guerrier (1999), voilà le type d’affiche auquel il aurait été préférable d’assister en d’autres circonstances. Pour ceux qui ne le savent pas, le réalisateur américain John McTiernan fait les frais d’une sombre affaire et croupit depuis près d’un an derrière les barreaux. Le geste de soutien est à mettre au crédit de l’équipe du cinéma Max Linder à Paris et au collectif Free John McTiernan. Rappelons que, outre les titres susmentionnés, le cinéaste nous a offert quelques sommets du cinéma d’action tels que Predator (1987), Last Action Hero (1993) et Une journée en enfer (1995), ce qui ne peut qu’imposer le plus grand respect.
Why Don’t You Play in Hell?
Je sais, je vous bassine depuis des mois avec le dernier film de Sono Sion dont on attend et espère toujours une date officielle de sortie française. Dévoilé en avant-première à l’Étrange festival, qui soufflera ses vingt bougies en 2014, Why Don’t You Play in Hell? (2013) est un jouissif hommage à l’exploitation nippone des années 1970 ainsi qu’une émouvante déclaration d’amour au cinéma. À noter que l’expérimental Bad Film, tourné au long des années 1990 et à réserver aux aficionados de Sion, était aussi présent dans la sélection d’un festival qui reste fidèle aux réalisateurs qui en font tout le sel. Et tant qu’on parle de Sono Sion, signalons aussi la parution chez HK Vidéo de Love Exposure (2008), son chef d’œuvre fou furieux de quatre intenses heures.
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La Belladone de la tristesse
Avec cette adaptation libre de La Sorcière de Michelet, Eiichi Yamamoto clôt sa trilogie Animerama : une série de films d’animation destinés à un public adulte qui fut produit entre 1969 et 1973 le studio d’Osamu Tezuka, le père d’Astroboy. Toutes les techniques de dessin et de peinture imaginables se mettent, par l’habileté de la mise en scène, au service d’un érotisme aussi psychédélique qu’expérimental pour ce chef d’œuvre visionnaire et halluciné du cinéma d’animation.
Rétrospective Alain Robbe-Grillet
Si beaucoup connaissent sans doute Robbe-Grillet au travers du Nouveau roman, ses films restaient difficilement accessibles en France. Carlotta Films (je persiste et signe, en matière de patrimoine filmique cet éditeur est ce qui se fait de mieux chez nous) a remédié à cette hérésie en fin d’année en sortant quatre long-métrages au cinéma, Trans-Europ-Express (1967), L’Homme qui ment (1968), L’Éden et après (1970) et Glissements progressifs du plaisir (1974), ainsi qu’un coffret réunissant la quasi intégralité des films du célèbre écrivain. Se situant dans un no-man’s-land entre Godard et Rollin, voilà une œuvre sur laquelle je vous conseille sérieusement de vous pencher.
L’Étrange couleur des larmes de ton corps
Un autre film que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises et que vous aurez le plaisir, voire même l’obligation, d’aller découvrir en salles dès le 12 mars prochain. Au lieu de m’épancher à nouveau sur le film d’horreur sous forme de trip sensoriel d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, j’en profiterai simplement pour féliciter les organisateurs du PIFFF dont l’édition 2013, où le film a été dévoilé, fut une belle réussite avec la découverte d’Opération diabolique (1966), chef d’œuvre paranoïaque de John Frankenheimer, ainsi que les dernières folies en date d’Alex de la Iglesia (Les Sorcières de Zugarramurdi, 2013) et Lucky McKee (All Cheerleaders Die, 2013).
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A Field in England
Depuis Down Terrace (2009), Ben Wheatley n’en finit plus d’enchaîner les films. Après l’ahurissant Kill List (2011) et le désopilant Touristes (2012), le jeune réalisateur anglais nous aura offert l’année passée une œuvre expérimentale tant au niveau esthétique que sur le plan de sa distribution. Wild Side a donc choisi, en s’inspirant d’une sortie britannique qui voyait le film arriver simultanément sur tous les supports, de se limiter à la VOD pour ce Field in England étrangement rebaptisé English Revolution. Le film n’est certes pas à mettre entre les mains de n’importe qui mais mérite amplement d’être découvert par les spectateurs les plus aventureux.
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Nuit intégrale Rob Zombie
Les Nuits du PIFFF vont rapidement devenir incontournables pour les parisiens friands de cinéma fantastique. Pour cette première édition, les organisateurs proposaient l’intégralité des films réalisés par Rob Zombie dont seuls deux ont bénéficié d’une distribution en salles en France. C’était donc l’occasion de redécouvrir La Maison des 1000 morts (2003) comme on ne l’avait jamais vu, de retrouver ces psychopathes de la famille Firefly dans The Devil’s Rejects (2005), et surtout de s’émerveiller devant l’ambition visuelle des Lords of Salem (2012) bien que le film, complètement fauché, ne soit pas une entière réussite.
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La Porte du paradis
Film maudit, le mythique western de Michael Cimino, dont l’échec commercial entraîna la faillite de United Artists et la fin du Nouvel Hollywood, retrouvait en 2013 toute sa splendide démesure. Je n’ai pas grand chose à rajouter à ce qui a déjà été écrit sur La Porte du paradis mais j’encourage vivement ceux qui ne connaissent pas le film, sa rageuse vision de la conquête de l’Ouest et du rêve américain, à le découvrir de toute urgence. Une dernière fois, vous pouvez remercier l’équipe de Carlotta Films.