Amer
un film de Hélène Cattet et Bruno Forzani (2009)

Avec Amer, le duo Hélène Cattet et Bruno Forzani signait en 2009 un premier long-métrage marqué autant par l’évidente volonté de rendre hommage à certains modèles cinématographiques, dont le giallo pour lequel on ressent une indéniable passion, que par de sincères velléités expérimentales et novatrices. Bien plus qu’un simple catalogue de références, Amer est cependant une relecture en profondeur d’un genre, de ses principaux motifs et artisans, vu par le prisme d’influences variées qui s’étendent du surréalisme buñuelien à un fantastique espagnol souvent attaché au monde de l’enfance. Dire que le film est stylisé serait un doux euphémisme : c’est en effet la forme à elle-seule qui permet ici le développement des thèmes du récit ainsi que celui des personnages. Si ce maniérisme assumé affaiblit clairement la force narrative de l’œuvre, et donc du film d’horreur qui sert plus de support aux délires psychédéliques qu’à autre chose, dès lors que la mise en scène fonctionne à plein régime – ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas – Cattet et Forzani parviennent à une sensualité rarement vu à l’écran. C’est ainsi les fétiches traditionnels du giallo, de ce qui est filmé à la mise en scène elle-même, qu’Amer retravaille de tout son long au travers de citations explicites (notamment aux œuvres de Bava, Argento, Martino ou Dallamano) ou de situations inédites. Par la qualité tactile que leur confère entre autres un travail d’orfèvre sur la bande sonore et l’image, les idées de mise en scène comme les compositions de Morricone, Cipriani et Nicolai, trouvent un souffle nouveau pour transcender de temps à autre un récit somme toute classique.

Amer reste avant tout un exercice de style, ce qui n’est pas un problème en soi mais présente ici le désavantage de ne s’adresser qu’à un public suffisamment averti pour en saisir les nombreuses références. Les images qui précèdent parlent d’elles-mêmes et vous permettront sans doute de décider si cet étrange objet filmique s’adresse ou non au spectateur que vous êtes. Hélène Cattet et Bruno Forzani y démontrent néanmoins un réel talent pour la mise en scène, ainsi qu’une ahurissante exigence esthétique, que l’on ne peut qu’espérer les voir mettre un jour au service d’un récit linéaire et de personnages plus attachants que celui quelque peu abstrait d’Ana. Celle-ci, ne servant qu’à explorer l’éveil du désir sexuel et de pulsions morbides dans une série de fantasmes disjoints mais résonnants, se limite en effet à un développement irrémédiablement conceptuel. A l’heure où le cinéma de genre ne propose quasiment plus la moindre production digne d’intérêt, l’arrivée de ce duo de réalisateurs ressemble donc beaucoup à une lueur d’espoir au bout d’un très long tunnel. L’on devrait avoir une confirmation de tout le bien que laisse entrevoir Amer d’ici quelques mois avec la sortie de L’Étrange couleur des larmes de ton corps ; un second film qui s’annonce tout aussi exigeant et dont l’affiche, superbement illustrée par Gilles Vranckx, ne peut que vous faire saliver d’avance.