Cinéma | Litanies
Les meilleurs films de 2013
Après une centaine de séances, dont soixante films vus en sortie officielle, que reste-t-il de 2013 ? L’année fut riche et, pour une fois, je me vois obligé d’exclure certaines œuvres de grande qualité d’une liste difficile à compiler. A la merveille (Terrence Malick), Spring Breakers (Harmony Korine) ou The Grandmaster (Wong Kar-wai) échouent donc à quelques pas du sacre. D’autres films réussis mais manquant d’un brin de folie n’y trouveront cette année pas droit de citer. Pour le tour des festivals et autres rétrospectives, je vous donne rendez-vous d’ici quelques jours mais pour 2013 il est grand temps que je rende mon verdict…
1. The Master (Paul Thomas Anderson, 2012)
Paul Thomas Anderson rend hommage au classicisme mais ne succombe jamais à l’influence de ses maîtres. De manière encore plus radicale qu’avec There Will Be Blood, le fils prodigue du cinéma américain se réinvente et livre, au travers des vapeurs d’alcool et de rêves d’Amérique, un film d’une modernité effarante, pourtant tout en retenu, sur la dépendance qu’elle soit d’ordre physique ou spirituelle.
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2. Only God Forgives (Nicolas Winding Refn, 2013)
Signant une nouvelle œuvre sans concessions, Nicolas Winding Refn prend à revers toutes les attentes suscitées par le succès de Drive et interroge plus que jamais sa fascination, ainsi que celle du spectateur, pour la violence graphique. Only God Forgives ne répond qu’à sa propre logique et en déroutera plus d’un, mais se classe à l’image de Valhalla Rising et Bronson comme l’un des films majeurs du cinéaste.
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3. Post Tenebras Lux (Carlos Reygadas, 2012)
Oscillant entre les ténèbres et la lumière des éclairs, chahuté par les vents et la pluie, Post Tenebras Lux s’articule autour d’un quotidien serein, violent, morose ou festif pour dépeindre l’orageux rapport de l’Homme à un monde dont la beauté semble parfois lui échapper. Par ses vignettes disjointes, Carlos Reygadas sème le doute et s’en nourrit pour embrasser la myriade des possibles entre le bonheur et la damnation.
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4. La Danza de la realidad (Alejandro Jodorowsky, 2013)
Après vingt ans d’absence, on n’osait plus attendre le retour du grand Alejandro Jodorowsky au cinéma. Avec l’adaptation de sa propre autobiographie, le réalisateur nous offre pourtant l’une de ses œuvres les plus maîtrisées et touchantes : un perpétuel dialogue entre le présent et le passé où il se demande autant qui il était que ce qu’il est devenu, affirmant le doute comme unique certitude dans un monde teinté de magie.
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5. Berberian Sound Studio (Peter Strickland, 2012)
Devenu l’apanage de producteurs visant la rentabilité comme seule fin, le cinéma de genre semble depuis de longues années être retombé en adolescence pour mieux séduire la tranche d’âge qui fréquente le plus assidûment les salles obscures. Film d’horreur sensoriel à la mise en scène réfléchie, Berberian Sound Studio est tout le contraire de ces produits formatés et insipides : autant un hommage original au bis transalpin qu’une magistrale réflexion sur le rapport entre image et son, entre imaginaire et réalité.
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6. La Vénus à la fourrure (Roman Polanski, 2013)
Tenir un huis-clos avec seulement deux personnages sur un film entier n’est pas à la portée de tout le monde. En faire une œuvre aux qualités intrinsèquement cinématographiques relève du génie. Heureusement, malgré quelques échecs et déboires, Roman Polanski demeure un brillant artisan et nous le prouve de la plus belle des manières avec sa délicieuse Vénus à la fourrure, ses dialogues ciselés avec finesse, ses interprétations de haute volée et sa façon envoûtante de transcender toute origine théâtrale pour se laisser langoureusement glisser vers un fantastique des plus incertains.
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7. Inside Llewyn Davis (Joel & Ethan Coen, 2013)
Les frères Coen ont toujours alterné entre un cinéma commercial et des œuvres plus personnelles. Si leurs films grand-public ont perdu de leur intérêt depuis une dizaine d’années, l’autre versant de leur filmographie s’enrichit avec chaque réalisation. Bénéficiant d’une photo sublime signée Bruno Delbonnel, qui capte aussi bien l’ambiance feutrée des bars que celle glaciale de l’hiver new-yorkais, et d’une bande originale produite par T-Bone Burnett, qui officiait déjà sur O’Brother, Inside Llewyn Davis est l’un des films les plus pessimistes des frangins. Malgré toute l’amertume du personnage principal, ils réussissent néanmoins à ne jamais sombrer dans l’antipathie et nous font découvrir toute la solitude de l’artiste en proie au doute.
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8. A Touch of Sin (Jia Zhang-ke, 2013)
Autopsie du grand cadavre chinois, A Touch of Sin décline le meurtre au travers de la vaste géographie du pays mais aussi des strates de son complexe tissu social. Jia Zhang-ke nous dévoile ainsi les dysfonctionnements d’une nation déchirée, par une croissance économique et la modernisation barbare qui s’ensuit, entre ses valeurs traditionnelles et l’appât impitoyable du gain et du pouvoir.
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9. L’Inconnu du lac (Alain Guiraudie, 2013)
Entre thriller sulfureux et relecture du paradis perdu, L’Inconnu du lac raconte à la fois la chute d’un homme qui cède à la tentation et celle d’une communauté semblant destinée à se voir exclure de son propre Éden. Alain Guiraudie orchestre un ballet de regards entre désirs et suspicions, le sexe et la mort s’enlaçant en son centre comme autant de fantômes de l’oppression mais aussi de ravages intestines.
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10. The Land of Hope (Sono Sion, 2012)
A défaut d’être le film le plus fascinant ou caractéristique de son auteur, The Land of Hope fut pour moi celui de la révélation tardive de cet immense et imprévisible cinéaste qu’est Sono Sion. Derrière la façade apaisée de ce drame humain sur fond de nucléaire, la rage de Sion gronde encore et éclaboussera de nouveau les écrans dès le génial Why Don’t You Play in Hell?, dont on espère une sortie officielle courant 2014, et le très attendu Tokyo Tribes.
Je dirais presque comme d’habitude, tu réussis encore et toujours à surprendre avec l’exercice convenu de classement
Allez, je suis de bonne humeur alors je prends ça pour un compliment. Merci et bonne année au passage!
Mais s’en est un! Iln’ y a aucunes arrières pensés dans mon commentaire, tu reste toi même est c’est très bien comme ça
Je le sais bien, je te taquine. J’espère que sur la liste tu as au moins pu voir Berberian Sound Studio, l’un des seuls films d’horreur qu’il fallait absolument voir cette année.
Le seul film que j’ai vu en 2013 c’est la reine des neiges, un disney que je trouve très surestimé.Moi je parle de ciné sans y aller(hormis un festival) faut dire que je manque franchement de temps….
Ah, un film par an c’est peu. Enfin, j’en ai vu un paquet et la vaste majorité ne valait pas que j’y consacre du temps.
Tout est normal, il y a quatre films que je n’ai pas aimé dans ton classement ;-p.
Le Jodorowski m’intrigue, mais un peu moins depuis que j’ai lu une de ses pièces (qui est un assemblage de courts passages). Mais quand même.
Tout le monde n’arrête pas de parler de « Touch of Sin » dernièrement. Je suis intriguée, même si je n’ai aucune idée de ce que peut être ce film qui est également sorti en Belgique mais pas chez moi. DVD, DVD…
Quatre? The Master, L’Inconnu du lac et quoi d’autre? La Danza de la realidad est assez éloigné de ce que Jodorowsky a fait autant en littérature qu’au cinéma. Mais même s’il s’agit d’une autobiographie, il y a beaucoup de fantaisie. C’est une bonne introduction à son œuvre avant de s’attaquer à La Montagne sacrée et Santa Sangre.
« Only God Forgives » et « Berberian Sound Studio ». Bon, pour « Berberian », j’exagère, j’ai été impressionnée par la manière de mettre en scène, de ne pas montrer, de tout faire naître par le son. Mais il ne me reste absolument rien de l’histoire en elle-même, j’ai apprécié le film juste pour son hommage, j’ai dû louper plein de références et, pour finir, il ne m’a pas parlé, juste impressionnée (non, ce n’est pas la même chose ^_^).
@Marc Shift: Pire que surestimé, moi qui suis pourtant cliente facile de Disney (du moment qu’il n’y ait pas d’animaux parlants), qu’est-ce que je me suis ennuyée (pour être polie) devant ce film. Je ne sais pas comment j’ai pu croire une seconde que ce serait vraiment l’adaptation du conte d’Andersen dont il serait question. Et les chansons, oh, purée, les chansons, elles m’ont donné des envies de meurtre…
C’est vrai que les chansons sont plus que moyenne (et longue en plus), le « méchant » est complétement raté (et incohérent), il n’y a que la technique (mais qui est devenu très classique dans la forme) qui surnage, à oublier….
Je trouve que l’anthropomorphisme est pourtant le point fort de Disney, notamment des films comme Robin des bois, Le Livre de la jungle, Les Aristochats ou plus récemment Ratatouille. Mais ça fait longtemps que leurs production ne m’enthousiasment plus des masses malheureusement.
Concernant les Disney, tu cites ceux qui me parlent le moins. Je n’aime pas trop quand les animaux parlent (et, non, je n’aime pas « Le roi lion »), je les supporte quand ils ont des rôles secondaires, c’est tout. Si je ne suis pas dingue des Disney, je les regarde souvent avec plaisir et je me suis bien amusée avec « Raiponce » dans les derniers. Mais là, je dois dire que ça n’a pas du tout fonctionné, pas de magie pour moi cette fois-ci.
Voilà un top fort intéressant (je découvre ton blog suite à ton commentaire sur celui de Copa). Si je ne partage pas ton enthousiasme sur The master, nous avons 3 films en commun, Only god forgives, L’inconnu du lac et A touch of sin, et d’autres qui sont à mes yeux tout à fait dignes d’intérêt.
Merci. Je viens de jeter un coup d’œil sur ton blog et tu dois être l’une des rares personnes à avoir autant apprécié The Lords of Salem que moi. Je l’ai trouvé vraiment intéressant malgré le manque de moyens. J’ai eu la chance de le voir au cinéma après l’avoir découvert en import et il aurait mérité une distribution en salles, le grand écran relevant l’expérimentation visuelle.